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Antoine-François Desrues

Antoine-François Desrues fut exécuté le 6 mai 1777. Médiocre petit criminel, il laissa dans la mémoire collective une image forte qui le resta jusqu'à la fin du 19e siècle.
Victor Hugo y fait référence dans "Les châtiments" et dans "Les Misérables", Honoré de Balzac le cite dans "Splendeur et misères des courtisanes", Alexandre Dumas Père lui consacre une étude (que je n'ai pu retrouver) et Chateaubriand y fait référence dans un article sur la criminalité

Né en 1744, Antoine-François Desrues débuta dans la vie active comme commis dans une épicerie parisienne. Il acquit bientôt le commerce de sa patronne et entra dans la confrérie très fermée des marchands-épiciers.
Très envieux et hanté du désir de paraître il abandonna son commerce et tenta de s'enrichir plus rapidement en se livrant à diverses petites escroqueries.

Rapidement ruiné il courtisa alors la fille d'un riche carrossier, correctement dotée, et qui devait héritier de Despiègne du Plessis, seigneur de Claudeville.
Pour paraître digne de cette belle famille Antoine-François se para d'un titre "d'écuyer", prit le nom de Desrues de Bury et se porta acquéreur pour 130 000 livres d'un château, qu'il n'avait ni les moyens, ni semble-t-il l'intention de payer.
Le vendeur Monsieur de Saint Faust de La Motte accepta en guise de paiement un billet à ordre dont l'échéance était fixée au 31 janvier 1777.

Quand Madame de La Motte, envoyée par son mari, se présenta chez Desrues pour percevoir l'argent qui lui revenait, celui-ci, pris soin d'éloigner sa femme et sa servante, et empoisonna sa visiteuse avec une tasse de chocolat dans laquelle il avait versé un mélange de sa fabrication. Il mit ensuite le cadavre de sa victime dans une malle qu'il enterra dans une cave, où il avait préparé une fosse pour entreposer des fûts de vin de Malaga.

Desrues enterrant la malle contenant le
corps de Mme de La Motte dans sa cave
de la rue de la Mortellerie
(gravure du XVIIIe siècle).

Quelques jours plus tard le fils de La Motte, inquiet de ne pas avoir de nouvelles de sa mère, se présenta à son tour chez Desrues. Ce dernier lui confirma avoir vu sa mère, affirma lui avoir remis les 130 000 livres et lui dit qu'elle était partie pour Versailles. Il proposa au jeune homme de le conduire retrouver sa mère et lui offrit une bonne tasse de chocolat chaud avant le voyage.

Le jeune de La Motte mourut dans la calèche de Desrues avant d'arriver à Versailles.

Pour ces 2 crimes Antoine-François Desrues fut condamné à mort. Roué vif , brûlé, ses cendres furent dispersées en place de Grève.

Sa femme fut jugée complice un an plus tard . Une grossesse opportune (là Desrues n'y était pour rien) lui épargna la peine capitale. Emprisonnée à vie à la Salpétrière, elle fut lynchée en septembre 1793 par des révolutionnaires pendant les massacres de septembre.

Antoine-François Desrues est
emmené pour son exécution
(gravure du XVIIIe siècle).

Si les crimes de Desrues sont bien réels, ils restent plutôt misérables à une époque qui en connu bien d'autres. Pourquoi leur auteur connut-il une notoriété telle, qu'il resta la principale attraction du Musée de cire du Palais Royal jusqu'au début du XIXe siècle ? Pourquoi cet assassin inspira-t-il une multitude d'images populaires, plusieurs biographies, près d'une centaine de gravures en taille douce, des chansons, des poésies… ?

Certains mettent en avant l'atypie du criminel qui utilisa le poison, réputé pour être une arme de femme. D'autres évoquent la dévotion (feinte ou non) dont fit preuve Desrues tout au long de son procès. Il acquit durant cette période une image de sainteté telle que, le jour de son exécution, des femmes s'emparèrent de ses os calcinés comme de précieuses reliques.
Et pourquoi aujourd'hui encore trouve-t-on des historiens qui prennent parti dans la description des faits en diabolisant l'assassin dès sa plus tendre enfance ? Pourquoi donnent-ils encore des versions différentes des faits alors que ceux-ci ont été officiellement établis à l'époque ?

Décidément ce fait divers en apparence banal garde toujours une curieuse part de mystère.

Mais que tous les Desrues se rassurent, Antoine-François ne semble pas (au regard des documents que j'ai consultés) avoir eu de descendance…

Merci à Hervé Desrues qui m'a envoyé une abondante documentation

On peut lire avec intérêt l'excellente étude du cas Desrues de Annie Duprat sur Cairn. info : "l'Affaire Desrues ou le premier tombeau de l'Ancien Régime"

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